Alors que Varig se dirigeait vers le salon, quelque chose s'écrasa dans son dos à grande vitesse, le propulsant en avant comme s'il avait reçu une bourrade et manquant de peu de le faire tomber. Ses réflexes lui permirent de se rétablir et d’attraper le second projectile d'une pirouette impossible de rapidité.
Avant qu'il ne puisse riposter au sournois et foudroyant lancé de coussins, Ellissia s'était déjà précipitée en riant vers la salle de bain et enfermée à double tour.
D'un geste négligent le tueur lança les oreillers sur le lit défait et compta mentalement.
5, 4, 3, 2, 1....
-HEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEEIN!?La mercenaire Teremundo avait criée si fort que les bouchons anti-bruit du tueur s'était activé. Une fois n'est pas coutume, c'est lui qui lâcha un petit rire.
Apparemment son idée avait très bien fonctionné... Obliger la Teremundo à porter un costume-cravate classique au possible plutôt que ses vêtements habituels répondait certes à une exigence de la mission, mais cela lui donnait surtout l'occasion de se moquer un peu de sa camarade.
Après tout il avait eu assez de mal à remporter leur "combat amical" et donné assez de lui même -littéralement vu le sang qu'il avait perdu- en cette occasion pour avoir mérité ce petit caprice.
Pour sa propre sécurité, il jugea toutefois préférable -très préférable- de ne pas en rajouter une couche en couper l'eau chaude durant la longue, très longue, incroyablement longue douche de la jeune femme.
Maintenant qu'il avait vu sa forme "bestiale", le tueur ne s'en étonnait plus. Les chats étaient réputés pour êtres maniaques sur leur hygiène... Ce qui déteignait surement sur la Teremundo.
Tandis qu'elle faisait sa toilette, Varig envoya un message à Louis pour l'informer du réveil de son acolyte et de leur départ imminent vers leur nouvelle mission.
Celui ci répondit d'un "Rappelez moi quand vous y serez", aussi laconique que bougon. Son bureau venait d'exploser pour la sixième fois depuis le début d'une année qui s'annonçait longue... On était qu'en mars après tout.
Autant pour son nouveau four à pizza révolutionnaire.
Une fois cette formalité expédiée, le tueur s'assit confortablement dans un des fauteuil de son salon encombré de caisses de matériel et sortit un petit livre de sa poche intérieure dans lequel il se plongea.
"Les protéines dans l'ADN, théorie des mutations magiques"
Le genre de livre dont Ellissia ne comprendrait sans doute pas le quatrième de couverture et dont le contenu l’assommerait avec autant d'efficacité qu'une balle de neutralisation. L'ouvrage semblait pourtant passionner le tueur qui lisait très rapidement, ne mettant pas plus de quelques secondes à tourner chaque page. L'avantage des mutagènes... Outre sa vitesse de lecture, sa mémoire gravait chaque page de façon indélébile dans son cerveau.
Il avait presque terminé l'ouvrage quand le jet de la douche s'arrêta.
Aussitôt il rempocha le livre et se leva et s'étira avant de sortir son téléphone portable. Le temps que la mercenaire parvienne à enfiler sa tenue, il avait largement de quoi établir un itinéraire...
Sa tâche accomplie, le tueur attendit patiemment qu'elle ai finie se battre avec ses vêtements, l'entendant pester à travers la cloison.
Enfin elle le rejoignit dans le salon, la démarche un peu hésitante et son costume légèrement mis de travers. Et surtout...
-Bon, monsieur le déshabilleur en chef, on fait quoi?Varig cacha sa bouche de sa main gantée, retenant un rire fort peu charitable. Incapable de faire le noeud de sa cravate, la jeune femme avait tout simplement décidé de l'enrouler autour de son cou. L'effet aurait pu avoir quelque chose d’esthétique si l'extrémité pointue n'avait pas pendouillé sur le col. En l'état on aurait surtout dit que prise d'une vie éphémère, la bande de tissu avait tentée d'étrangler la Teremundo avant de mourir là. Le reste de la tenue semblait également avoir souffert du combat, tout particulièrement le col de la chemise à la structure des plus... Originales.
Se reprenant assez vite Varig s'approcha d'elle et avant qu'elle ne proteste déroula sa cravate. Il la regarda une seconde, chagriné avant de la jeter par terre. Elle était bien trop froissée pour servir à quoi que ce soit...
-Je reviens, ne bouge pas.Le tueur repassa dans la chambre, ouvrit une penderie pleine de divers vêtements et costumes et après quelques secondes de recherche revint dans le salon.
Machinalement il vérifia du regard que rien n'avait bougé. Ellissia était une vraie gosse et la laisser seule plus de dix secondes c'était prendre le risque qu'elle ne fasse une bêtise... Ou pire prépare une blague sournoise en guise de revanche.
Mais rien n'avait bougé, pas même la jeune femme elle même.
Dans un silence lourd, Varig mit en place la nouvelle cravate rouge sang qu'il avait récupéré, rajusta le col du costume par dessus et fit rapidement le noeud réglementaire sans que ses gants semblent le gêner avant de serrer sans excès.
Il tentait avec un certain succès d'aborder un air sérieux, mais son début de sourire réprimé menaçait à tout instant à se transformer en franche hilarité.
-Voilà, merveilleusement... commença-t-il en reculant pour admirer son oeuvre.
Varig hésita sur le terme à employer, revint et rajusta les pans de la veste, dont il ferma deux boutons supplémentaire pour lui faire prendre meilleure forme. Puis il recula à nouveau.
-C'est heu...Il fallait à la tueur toute sa maîtrise faciale pour continuer d'avoir l'air sérieux et maîtriser sa voix mais derrière ses éternelles lunettes, ses yeux habituellement glacials pétillaient. Et la mine de la Teremundo ne faisait rien pour l'aider.
-Ça te vas très bien, dit il finalement d'un ton parfaitement sérieux que son ironie habituelle rendait malgré tout douteux.
L'affirmation n'était pas fausse par ailleurs. La tenue lui donnant une certaine prestance et mettait son visage et ses proportions en valeur. Et permettait surtout bien plus de possibilités pour dissimuler des armes, élément qui n'échappait sans doute pas à l'assassin professionnel.
Sans s'attarder plus avant sur ces considérations esthétiques, le tueur marcha vers la porte de l'appartement, qu'il ouvrit avant de s'effacer.
-Si mademoiselle veut bien se donna la peine, invita-t-il sans perdre son apparent sérieux.
Manifestement il préférait avoir la Teremundo
devant lui le temps de descendre les escaliers... Une utile précaution.
Une fois dans la rue, il dut toutefois repasser devant, étant le seul à savoir où ils allaient.
-Tu as une paire de gants dans tes poches, lança-t-il par dessus son épaule.
Met les il faudra éviter de laisser des empreintes cette fois. Y compris dans notre véhicule.On était en début de matinée, assez tôt même encore qu'il soit presque impossible de s'en apercevoir sans montre ou sans regarder les horloges qu'on trouvait régulièrement dans la cité de la nuit. Surement l'une des première fois de sa vie qu'Ellissia se levait à cette heure...
En même temps elle venait de faire un somme de près de 72 heures.
Les rues étaient peu fréquentées, et les passants ne prêtaient aucune attention au couple en noir. Ils avaient l'habitude de voir des tenues bien plus excentriques...
Les deux mercenaires passèrent pas plusieurs rues et arrivèrent après quelques minutes de marche sur une grande place agréable, avec des espaces verts et une grande fontaine.
Sans hésiter, Varig traça droit vers les cabines d'ascenseur disposées à sa périphérie.
Grâce à eux ils parvinrent en quelques secondes de descente dans un vaste parking souterrain.
Toujours sans hésitation, le tueur descendit à l'avant dernier étage et passa entre les rangées de véhicules, lisant les numéros de places inscrits au sol. Après quelques minutes de recherche, il s'arrêta devant un véhicule aux vitres teintées... Assez différent de son habituel Hummer.
Tandis qu'Ellissia découvrait le bolide, celui ci se pencha sur la roue avant et tâtonna quelques secondes avant d'en tirer un trousseau, collé magnétiquement à la carrosserie grâce à un aimant intégré au porte clé.
- Spoiler:
Le tueur déverrouilla la voiture de sport et ouvrit la portière conducteur
-Je conduit. lança-t-il à Ellissia d'un ton sans réplique en s'installant au volant.
Laisser le véhicule entre les mains de la jeune femme aurait été... Criminel. Elle n'avait jamais eu son permis même si Louis lui en avait fournis un faux, sans doute à cause de sa déplorable habitude de tourner en utilisant les murs. Un Hummer blindé ou un tank était les deux seuls véhicules qu'on pouvait lui confier et espérer voir revenir entiers.
Dès qu'elle fut montée à la place de passager, Varig démarra la puissante voiture dont le moteur ronronna aussitôt.
Ils quittèrent rapidement le parking avant de rejoindre les grands boulevards de la capitale encore peu encombrés. Ils arrivaient juste avant les grands embouteillages du début de journée... Un fléau que sans doute aucune magie si puissante soit elle ne réglerait jamais.
En quelques minutes, la voiture arriva à la limite du centre-ville et Varig pris la direction de l'autoroute vers Las Fantas. Contrairement à sa passagère, il conduisait avec aisance au milieu de la circulation, à bonne allure et sans marquer d'à coup ou d'hésitation. Ses réflexes et sa vitesse de mutagène lui donnait une avance appréciable il fallait bien l'avouer.
Il attendit qu'ils soient sur l'autoroute pour reprendre la parole.
-L'opération va se dérouler à Las Fantas. Apparement deux familles rivales ont...Il marqua un temps d'arrêt comme s'il réfléchissait.
-Enfin je doute que la partie guerre des gangs sur trois générations ainsi que la situation détaillée de la pègre de Las Fantas t'intéresse. Concrètement, l'un d'entre eux veut qu'on sème la zizanie dans l'un des casinos de l'autre sans être directement impliqué. Louis veut faire passer ça pour un règlement de compte interne.Le moteur monta légèrement en régime sans donner le moindre signe de faiblesse alors que le compteur approchait les 150 km/h. La longue route à quatre voies qui menait à Las Fantas était strictement rectiligne et la voiture de sport avalait la route sans difficulté. Le tueur se souciait peu d'éventuels radars, sachant que Louis transmettrait la "note de frais" à qui de droit.
-Nous allons nous infiltrer selon la demande de notre contact. Louis a réservé une suite directement dedans pour nous. Officiellement tu es une riche héritière excentrique en villégiature et moi ton garde du corps. Nous ne passerons à l'action proprement dite que demain dans la nuit... Jusque là tu suis?Le compteur affichait maintenant près de 200 km/h pourtant le tueur ne semblait ni mal à l'aise, ni disposé à ralentir. Au contraire...
Bien installé dans le confortable fauteuil de cuir -aussi confortable que le reste de l'habitacle- il continuait son briefing.
-Je pense que c'est dans tes cordes de jouer la gosse de riche insupportable. Surtout avec ton superbe costume.Son visage ne varia pas d'un iota, mais on aurait pu percevoir un je ne sais quoi d'ironique.
-Un pistolet, son holster et tes faux papiers sont dans la boite à gants. A propos qu'est ce que t'as encore fait à Louis pour qu'il décide de t'appeler "Raymonde Azeglubi"? Tu as fait sauter son bureau?