Sale Réveil [pv: Rosalia]

Rosalia n'était pas restée longtemps consciente, une fois de l'autre côté du Portail qu'elle avait elle-même créé. Elle avait eut le temps de voir indistinctement une autre ombre s'il glisser, puis elle était tombée dans l'inconscience à la suite de ses trop nombreuses blessures et dépenses d'énergie. Elle ne vit pas la Teremundo blonde s'éveiller avant les autres, et s'en aller en rampant, après lui avoir lancé un dernier regard. Visiblement, la Chasseresse ne goûtait pas aux moments de l'après-bataille, à moins qu'elle n'aime pas manifester sa reconnaissance outre-mesure, ou qu'elle soit tout simplement pressée de se remettre du combat. Quoiqu'il en soit elle n'était déjà plus là quand Neosis s'éveilla, et la belle rose, elle, était toujours inconsciente quand cela arriva, son énergie prenant du temps avant de remonter à un seuil suffisant pour pouvoir ne fut-ce que mouvoir ses membres ou même faire seulement s'ouvrir ses paupières.

Mais elle fini pourtant bien par s'éveiller, au son d'un homme se défoulant sur les pierres. Il s'agissait bien entendu du Ras lui-même, et elle ne dit rien alors que poursuivait sa phase « d'évacuation », si on pouvait dire, restant les yeux fermés, la respiration sifflante, reprenant un peu son souffle et émergeant lentement. Ce ne fut que quand le bruit s'arrêta qu'elle ouvrit les paupières, pour voir que le redoutable et redouté Roi de Teremundis se trouvait prostré contre le mur, visiblement incapable de continuer à se défouler contre la structure autour d'eux. Il lui fallu quelques instants encore pour parvenir à reprendre la parole, difficilement.

« Je... mer... merci d'être venu... me tirer de là... Neosis-...Sama... Sans votre intervention... je crois bien que je n'aurais... même pas pu... fuir... »

Parler même devenait difficile, comme le reflétaient les paroles entrecoupées de reprises de souffles et de toussotements douloureux de la belle guerrière à la fierté pour l'instant mise à mal. Il était difficile pour elle d'admettre que l'intervention du seigneur de sa race ait été nécessaire pour ne fut-ce que fuir face à de « simples » humains, mais bien malheureusement c'était le cas, et qu'elle soit d'accord avec ça ou non s'y changerait absolument rien... Avec un grognement de douleur, elle se redressa en position assise, ses nombreuses blessures étant encore très douloureuses.

« J'ai du mal... à croire... que c'est réellement arrivé... on aurait pourtant dû... au moins pouvoir les repousser... ces humains... »

La voix de Rosalia contenait une profonde amertume. Elle avait voulu défendre le territoire de Teremundis, mais elle avait lamentablement échoué. Non seulement elle n'était pas parvenue à décimer l’adversaire et à en profité pour contre-attaquer, mais elle n'avait même pas réussi ne fut-ce qu'à le contenir, même avec toute l'aide reçu.

« Ce Samouraï... il était vraiment... vraiment humain ? Il a réussi à tous nous vaincre... c'était... les humains sont sensé être les proies... pas l'inverse. »

Secouant la tête avec toujours la même amertume, la belle se releva difficilement. Elle avait peine à croire à la réalité de tout cela, mais elle n'allait pas rester sur cette défaite. Oh non, elle ne laisserait sûrement pas un simple humain la dominer ainsi éternellement, foi de Rosalia !

« Je pense que... vous avez autant besoin de manger que moi... non... Neosis-Sama ? Vous auriez une idée de... comment on procède... vu notre état à tous les deux ? En tous cas... je suis près à vous suivre, quoi qu'il en soit... Enfin... pour autant que... je puisse marcher jusqu'à l'endroit où vous suivre... bien entendu... »

Rosalia parlait beaucoup, pour le coup, il était vrai, mais il fallait bien dire aussi qu'elle avait beaucoup à dire, après avoir dû se taire si longtemps, d'abord lors du combat, aussi bien en mots qu'en actes quand elle avait été forcée de laisser le Roi seul lutter pour leur survie à tous les deux, voir tous les trois si on comptait la Teremundo blonde qui était déjà partie, puis ensuite par ce long coma. Elle ressentait le besoin de parler quelque peu, comme Neosis avait de son côté évacué d'une manière plus... disons brutale et auto-destructrice. Mais cela avait dû bien le défouler puisque au lieu de parler il se contenta de siffler, faisant arriver un Léviathan Funeste qui déposa trois cadavres au près d'eux avant de repartir dans les profondeurs des Catacombes. Dans un geste de mansuétude – n'était-ce pas ainsi que faisaient les rois ? – le Ras lui en lança un avant d'entreprendre de dévorer soigneusement les deux autres, Rosalia elle-même dégustant le sien avec soin et de façon propre en dépit des circonstances, comme elle le faisait toujours, éducation oblige.

« Hum, si t’étais pas une Teremundo à fort potentiel, ce dont j’ai fortement besoin, et que ton adversaire n’avait pas été ce chien impérial, je t’aurais surement laissée mourir ».

C'était direct, sans détour... et ça plaisait plutôt bien à Rosalia. Celle-ci, qui finissait tout juste de manger, se redressa et hocha la tête, comme pour montrer qu'elle approuvait. Neosis était venu pour sauver une alliée dont il avait besoin et tenter de prendre sa revanche un ennemi qui l'avait déjà vaincu, pas par bonté de cœur, et c'était un raisonnement qu'elle appréciait.

« Quant à la bouffe… Je propose que tu m’accompagnes à l’extérieur, j’ai une réserve d’humain dont je suis un des seuls à me servir en cas d’urgence, avec le Dva. Elle est sur un des flancs de la pyramide et pas vraiment dans la forêt. »

La belle rose hocha la tête à nouveau, cette fois pour montrer qu'elle avait compris. Une réserve secrète pour les deux têtes d'affiche du Classement des Huit Grands, ça semblait plutôt logique en fait, comme principe. Elle se mit donc en route pour sortir du Sanctuaire et se diriger vers la réserve en question, tenant encore un peu difficilement sur ses jambes pour l'instant.

« Hummmf... Une fois encore je dois vous remercier pour ce corps... et pour ceux de votre réserves, aussi. Ça va se révéler bien pratique. Vers quel flanc doit-on aller, au fait ? »

Une fois l'indication donnée, d'un geste où d'une parole, Rosalia continua sa route, se dirigeant d'abord vers la sortie des Catacombes proprement dits, maintenant qu'ils étaient hors du Sanctuaire lui-même, toujours accompagnée, logiquement, de son monarque blessé. Ils n'étaient pas en très bon état ni l'un ni l'autre pour l'instant, mais elle était à peu près certaine que cela pourrait rapidement s'arranger grâce aux cadavres évoqués par Neosis. Néanmoins, elle sentait que cela ne pourrait pas suffire à satisfaire tous ses appétits, après un tel combat.

« Au fait... une fois que nous serons remis, que diriez-vous d'aller commettre un petit massacre histoire de nous requinquer totalement... et de nous défouler un peu ? »

Elle ne savait pas si ce sentiment était partagé, mais pour sa part elle aurait volontiers mis la main sur une petite bourgade humaine pour pouvoir évacuer la rage et la frustration de cette défaite tout en tuant et en dévorant des proies vivantes. Tout en disant ces quelques mots, elle était arrivée à la porte des Catacombes, sortant en passant devant un Exodius endormis – et en souhaitant qu'il le soit vraiment, vu leur état pitoyable – pour se diriger vers le flanc indiqué plus tôt par Neosis, et où devait se trouver cette fameuse réserve.

« Au fait, je ne me suis même pas présentée, dans tout ça. Je m'appelle Rosalia, Rosalia Cornelia... Pour l'instant seulement Teremundo prometteur, comme vous l'avez dit, même si je ne compte pas m'arrêter là... »

La présentation fut ponctuée d'un sourire et d'un léger hochement de tête, alors qu'ils arrivaient peu à peu à proximité de la réserve du Roi et de son second, pour autant que puisse en juger la belle rose, en tous cas, elle qui ne connaissait pas encore les lieux en question.

Le Ras ne semblait pas d'humeur bavarde, mais cela Rosalia pouvait le comprendre. Peut-être la laissait-il parler, tout simplement, ou bien peut-être n'avait-il aucun goût pour la parole en cet instant. Il hocha la tête quand elle parla de massacre, et cela suffit largement à la belle, avide de laver l'affront de sa défaite dans le sang de ceux qui, par leur chaire, leur énergie bouillonnante de vie et de puissance, lui permettraient de développer de nouvelles forces pour, un jour peut-être, elle l'espérait en tous cas, suffiraient à prendre sa revanche. La Teremundo n'en était qu'à la suite immédiate de ce grand combat qui allait la marquer, avant que la réflexion et les rencontres ne lui fassent comprendre la vanité de certaines des aspirations qui l'habitaient encore maintenant avec force. Avant cela, de toute façon, il allait falloir reprendre de premières forces, fut-ce dans la chaire morte, et seul le souverain pouvait la mener à cette chaire.

« Je te rendrais bien tes politesses mais ça fait pas mal de temps maintenant qu’on me demande plus mon identité. Bien que pour la plupart l’appellation de « monstre » est suffisante… Et puis après tout, Neosis Blood n’est que le nom miteux qu’on m’a refilé dans un orphelinat dégelasse. C’pas comme s’il m’appartenait vraiment et que j’en avais quelque chose à foutre. »

En effet, le nom du roi était des plus connus. La belle grimaça légèrement devant cette proclamation de nom indigne et d'origine inconnue... du temps de son humanité, cela aurait probablement mis une grande froidure dans ce qu'elle pensait du Roi, mais l'état de Teremundo lui avait justement fait connaître la noblesse qui pouvait se forger dans la force et le feu des batailles. Une noblesse différente, mais dont Neosis était inéluctablement investi, même alors qu'il cherchait les traces de sa cache, visiblement dissimulée soigneusement, même à ses yeux.

« Je pense en effet que t’es prometteuse. Tu as tenu pas mal de temps contre ce samurai aux talents incroyables. Tu n’étais pas seule mais cela ne retire rien à ton exploit, peu d’autres que toi auraient pu survivre à un tel traitement. Si tu continues de t’améliorer à une bonne allure, tu finiras rapidement dans le classement des huit. Surtout vu le niveau actuel… Dans tous les cas, tes talents méritent qu’on y s’intéresse. En t’augmentant un peu ta puissance et en gagnant en notoriété, tu pourrais facilement atteindre la place de Tri de mon avis. »

Les paroles du Ras firent sourire la belle, flattant son égo qui restait assez sensible. Comment ne pas se réjouir quand celui qui se tenait au sommet de la pyramide de puissance vous complimentait en vous disant que vous pourriez facilement en gravir les marches. Rosalia savait néanmoins que cela passerait par les échelons les plus bas.. mais elle n'eut pas le temps de s'y attarder que déjà Neosis ouvrait sa cache, répandant une odeur de charogne qui, si elle n'était pas aussi appétissant que celle de la viande fraîche, loin de là, mais qui fit gronder son estomac, vu son état de faiblesse et de faim. Elle s'engagea donc dans la pièce sans hésiter, sifflant doucement en voyant son étendue, et surtout combien elle était remplie. Ils ne faisaient pas leur réserve à moitié...

« Fais comme chez toi ! Sers-toi, je t’en prie. »

Un sourire fendit le visage de la Teremundo, plus bestial et sauvage que beau et féminin, en cet instant où l'instinct la submergeait, un instinct double, celui de survie, qui lui commandait de manger pour se caler l'estomac et guérir, et celui, plus propre à sa race obscure, qui réclamait gloutonnement de la puissance, encore et toujours plus.

« Il ne faudra pas me le dire deux fois ! »

Avide, la belle n'attendit pas plus le Roi et, choisissant l'un des côtés de la cache, attrapa le premier cadavre venu pour le dévorer. Pourtant, même dans cet état de faim, elle ne perdait pas le reste de dignité et de noblesse qui la caractérisait, ne se jetant pas sur eux comme l'aurait fait une simple bête affamée sur un os, mais prélevant rapidement et efficacement ce qui l'intéressait, mangeant les meilleures chaires et dévorant le reste du temps les réceptacles de la puissance endormie des corps morts, sans se retrouver barbouiller de sang pour autant, gardant ses « manières », aurait-on pu dire un peu caricaturalement. Pendant ce temps, elle se concentra en tous cas sur son repas, oublieuse du souverain monstrueux, supposant qu'il mangeait aussi de son côté. Ce ne fut qu'après avoir mangé tout son saoul, ses blessures refermées et son énergie en partie restaurée, que la belle s'arrêta et repris la parole en cherchant le Roi des yeux. Ben quoi, une fille de la noblesse bien élevée ne parle pas la bouche pleine, normal qu'elle attende jusque-là.

« Hummmm... Merci pour ce repas, fut-il de chaires mortes, Neosis-Sama. Je vous revaudrai ça un jour ou l'autre. »

La voix de la jeune femme s'était faite respectueuse, mais sans flatterie inutile. Elle reconnaissait simplement la dette due au Roi pour les deux mannes de cadavres, une petite pour se relever et une plus grande pour se remettre. Sans cela, qui sait comment elle s'en serait sortie ? Secouant la tête pour chasser ces questions, la belle se redressa, son corps aillant retrouver sa force et sa santé, en dépit des quelques marques et de l'état de sa tenues, marquant encore les restes du combat.

« Merci pour les compliments, au fait, je tâcherai d'être à la hauteur... et donc de progresser au maximum pour ça. »

« Progresser », dans cette phrase, prit une consonance funèbre. Elle parlait de massacre quand elle évoquait une progression, comme tous les Teremundos. Bon gré, mal gré, c'était là la voix de tous les Teremundos, qui ne pouvaient évoluer qu'en absorbant la magie, au premier chef celle contenue dans le sang des autres. Ce fut donc sans surprise qu'elle enchaîna directement sur le sujet suivant.

« D'ailleurs en parlant de progrès, que diriez-vous d'organiser tout de suite notre petite expédition de massacre ? Nous pourrions utiliser votre dragon monstrueux pour y aller en volant, à moins que vous préfériez qu'on se déplace de nous-mêmes ? Dans tous les cas, je serais heureuse de tuer et de dévorer de la viande fraîche... »

Elle lui laissait le choix et le soin de guider la barque... n'était-il pas le Roi ? Pourtant, une fois arrivé elle comptait bien se ménager la meilleure pars si possible, roi ou pas roi. Après tous ils étaient des Teremundos, pas des chiens bien obéissant au chef !